Donald Trump : Un second mandat pour achever le climat
L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée sur la planète et la première à dépasser le seuil des +1,5 degré depuis 1850, selon l’Observatoire européen Copernicus. Parmi les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre, les États-Unis. Malgré un bilan climatique catastrophique lors du premier mandat, le climato-sceptique Donald Trump semble plus déterminé que jamais à détruire l’environnement.
par Chloé Cenard
Donald Trump n’a pas perdu une seule minute pour s’attaquer au climat. Quelques heures seulement après son investiture du 20 janvier dernier, le 47e président des États-Unis signe pas moins de 22 décrets dont certains concernent l’environnement.
Devant ses partisans, réunis dans la Capital One Arena à Washington, le plus vieux président jamais investi paraphe les documents, montre fièrement sa signature et jette ses stylos dans la foule sous des hurlements, comme le ferait une rockstar avec son t-shirt après un concert. En deux coups de crayon, le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris est acté par celui qui le qualifie « d’escroquerie injuste et unilatérale ».

L’objectif prévu par le texte de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, ne concerne plus le deuxième pays le plus pollueur au monde alors qu’une semaine auparavant, des villes entières de Californie disparaissaient sous les flammes causées par le réchauffement climatique et que trois ouragans ont touché les États-Unis en 2024. Une décision que Donald Trump avait également prise lors de son premier mandat de 2017 à 2021.
Le nouveau président, climato-sceptique notoire, promet également de faciliter l’exploitation de pétrole et de gaz naturel en Alaska, d’éliminer les mesures qui favorisent l’achat de véhicules électriques ou encore de mettre un coup d’arrêt aux projets éoliens.
Retrait de l’Accord de Paris
Pour ce second tour de manège, Donald Trump semble vouloir mener une offensive bien plus agressive contre le climat. Ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Selon une estimation réalisée avant l’élection de novembre 2024 par Carbon Brief, le second mandat de l’ancien homme d’affaires pourrait ajouter 4 milliards de tonnes de CO2 aux émissions des États-Unis d’ici 2030.
« Le premier mandat lui a permis de créer une ébauche de sa politique climatique pour son second. Il ne connaissait pas du tout la gestion du système fédéral. Désormais, il a appris de ses erreurs et en plus, il a tout un réseau de personnes qui savent ce qu’elles font et qui sont là pour déconstruire les réglementations de l’État, notamment en matière d’environnement », explique Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine, spécialiste des présidents.
Cette fois-ci, les États-Unis pourront sortir de l’Accord de Paris beaucoup plus rapidement que lors de la première présidence de Trump. Pour des raisons juridiques, le retrait n’avait pu être effectif qu’en novembre 2020, quelques jours seulement avant la victoire de Joe Biden à la présidentielle qui signait alors le retour du pays au sein de l’Accord.
« Le premier mandat lui a permis de créer une ébauche de sa politique climatique pour son second. » — Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine
Cette sortie des États-Unis est plus « politique que juridique » peut-on lire sur le site Gossement avocats, un cabinet spécialisé en droit de l’environnement et de l’énergie. « Toutefois, ils restent une partie à la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (ndlr : CCNUCC, l’entité chargée de superviser l’action climatique au sein de l’ONU) et doivent, à ce titre, respecter l’ensemble de leurs obligations, notamment de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. »
Mais Donald Trump s’est d’ores et déjà désengagé du secrétariat de la CCNUCC, faisant perdre à l’institution 22 % de son budget. Le milliardaire américain Michael Bloomberg a annoncé qu’il compenserait – avec sa fondation et d’autres acteurs privés – la contribution des États-Unis.
Avec cette décision de quitter l’Accord de Paris, Donald Trump envoie un message clair. « C’est l’idée de dire qu’on est plus fort que les autres, qu’on n’a besoin de personne et que, surtout, on ne va pas s’enchaîner dans des contraintes, qu’on est libre », analyse Jérôme Viala-Gaudefroy, auteur du livre Les mots de Trump (Dalloz, 2024). Une idéologie déjà appliquée par Donald Trump lors de son premier mandat.
Selon le Washington Post, il a modifié ou annulé 125 règles et politiques environnementales à cette période. En 2020, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a enregistré près de 22 catastrophes naturelles majeures comme des ouragans et des mégafeux, contre 19 l’année précédente. « Ce retrait risque d’aggraver la situation », regrette Sarah Cleaver, chargée de campagne climat à Greenpeace France. « Chaque dixième de degré compte. »
La coopération climatique mise à mal
Le retour de Trump signe également une perspective inquiétante pour la coopération internationale selon François Gemenne, membre du Giec, qui parle d’un risque d’effet domino. « D’autres régimes, eux aussi dirigés par des leaders populistes, pourraient vouloir emboîter le pas aux États-Unis. On pense à l’Argentine, au Venezuela, à la Russie, potentiellement même la Hongrie ou l’Italie en Europe. L’accord de Paris repose sur le principe d’universalité. Si beaucoup de pays sortaient, ça mettrait vraiment à mal la logique même du texte. »
« D’autres régimes, eux aussi dirigés par des leaders populistes, pourraient vouloir emboîter le pas aux États-Unis » — François Gemenne, membre du Giec
Pour l’instant, aucun pays n’a suivi les États-Unis mais en novembre, le président ultra-libéral Javier Milei, avait dit vouloir « réévaluer » sa position sur le sujet. Sarah Cleaver, de Greenpeace, se veut toutefois optimiste : « Lors du premier retrait de l’Accord de Paris, on a senti plutôt un regain d’intérêt et une communauté internationale soudée. Nous avons plutôt un consensus international autour de l’Accord. »
Après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, le diplomate André Corrêa do Lago, tout juste nommé président de la COP30, a déclaré : « Il n’y a pas le moindre doute que cela aura un impact significatif sur la préparation de la COP ». La 30e conférence mondiale, qui se déroulera en novembre prochain à Belém en Amazonie, marquera les dix ans de l’Accord de Paris.
Un moment clé où les pays devront faire le bilan de leurs « contributions déterminées au niveau national » (les CDN) – les engagements pour faire baisser leurs émissions de gaz à effet de serre et freiner le changement climatique – et les mettre à jour. Avant de quitter la Maison-Blanche, Joe Biden a tenu à publier la CDN des États-Unis qui entend réduire les émissions de gaz à effet de serre de 61 à 66 % d’ici 2035 par rapport au niveau de 2005. Des objectifs que veulent tout de même remplir plusieurs États membres de la US Climate Alliance.
« Il n’y a pas le moindre doute que cela aura un impact significatif sur la préparation de la COP » — André Corrêa do Lago, président de la COP30
Malgré tout, l’ombre de Donald Trump plane sur l’évènement. La sortie de l’Accord de Paris par les États-Unis n’étant effective que dans un an, les États-Unis seront donc bien présents à la table des négociations, mais à quel prix ?
« Le risque pour la COP30, c’est que les États-Unis paralysent les discussions et que les pays ne souhaitent pas annoncer de révision à la hausse de leurs engagements. Si les États-Unis en font moins, c’est difficile de demander aux autres d’en faire plus », relève François Gemenne. « Tout n’est pas perdu », souligne Sarah Cleaver, de Greenpeace France, qui parle « d’un consensus mondial sur l’intérêt de lutter contre le changement climatique. »
« Tout n’est pas perdu » — Sarah Cleaver, chargée de campagne et de plaidoyer Climat à Greenpeace France
Les ONG s’inquiètent tout de même de l’impact du retrait des États-Unis sur la finance climat. Un concept qui désigne les financements – publics ou privés – pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris.
Lors de la dernière COP en 2024 à Bakou en Azerbaïdjan, les 197 parties se sont accordées sur une aide financière de 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 venant des pays industrialisés pour aider les pays du Sud dans leur transition climatique et également financer les pertes et dommages. Une somme déjà jugée bien en deçà des besoins vis-à-vis de l’urgence climatique par les États bénéficiaires.
« Le gouvernement américain ne participera sûrement plus à cette aide destinée aux pays les plus vulnérables aux changements climatiques mais les montants de finance climat seront toujours les mêmes. Cela veut dire potentiellement faire porter aux autres États une charge plus importante pour eux », conclut Sarah Cleaver.
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Retrouvez l’article en intégralité dans le numéro 62 de Décisions Durables, disponible sur l’application mobile.
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