Faut-il sauver les entreprises d’hier, ou celles de demain ?
Nous avons le plaisir de relayer la tribune publiée il y a peu par Santiago Lefebvre, cofondateur de ChangeNow, dont Décisions durables était partenaire, lors de l’Exposition Universelle au Grand Palais, en février dernier. Les savoir-faire accumulés des entreprises françaises de la transition écologique et sociale représentent une opportunité exceptionnelle pour bâtir le monde d’après. Aujourd’hui plus que jamais, ils doivent être mis en valeur et développés, car ils sont l’avenir de notre pays..
Vous pouvez vous aussi vous joindre au mouvement (voir à la fin de l’article)
Il faut sauver les entreprises de la transition. Appel à un fonds d’urgence.
Le coronavirus a déjà tué plus de 20 000 personnes en France et 200 000 dans le monde. Il pourrait également faire disparaître ceux qui construisent l’avenir dont notre monde a besoin: un avenir durable, résilient et écologique. C’est l’alerte que nous sonnons aujourd’hui.
Si les efforts se concentrent actuellement sur la crise sanitaire, la question qui occupe de plus en plus les esprits est celle du monde d’après. Poussés par notre tendance naturelle à espérer, à envisager des jours meilleurs, nous trouvons du réconfort en imaginant un plan de relance, comme un anti-douleur face à la situation qui nous accable.
Un plan de relance sera nécessaire. Oui. Celui-ci devra favoriser l’essor d’une économie durable et humaine. Oui. Mais à horizon 3 ans, 1 an ou même 6 mois dans les hypothèses les plus optimistes, il sera déjà trop tard. Car ceux dont nous aurons besoin pour construire un monde d’avenir ne surmonteront pas les mois à venir sans un soutien d’urgence.
400 000 acteurs économiques de la transition et une excellence Française… aujourd’hui menacés
La seule chose qui nous rapproche aujourd’hui d’atteindre nos objectifs de transition écologique, ce sont les solutions qui existent déjà et les hommes et les femmes engagés qui les portent.
Il y a 3 mois, Paris accueillait au Grand Palais le plus grand rassemblement historique de solutions pour la planète, pour un monde plus durable, plus résilient, plus inclusif. Une dose d’action et d’espoir dans un monde en proie à ses limites qui s’apprêtait à se mettre à l’arrêt. Des milliers d’entreprises et d’entrepreneurs engagés dans la construction d’un nouveau monde font déjà leurs preuves et deviennent des champions nationaux et internationaux à l’image de Phenix, 1083, Too Good To Go, Ynsect, Pandobac, Fleurs d’ici, La Ruche qui dit Oui ! et tant d’autres.
Ils sont la face émergée d’un mouvement profond, d’un renouveau porté par 400 000 acteurs économiques de la transition en France*, qui représentent 3 millions d’emplois, d’après le Boston Consulting Group (BCG). Ces structures développent des modèles économiques pérennes au service de l’intérêt général et du bien commun, et recrutent 2,5 fois plus que les entreprises classiques*, avec des emplois de qualité, non délocalisables et porteurs de sens.
Or si les plus historiques d’entre elles arrivent à faire face à la crise, une majorité la subit de plein fouet, avec des baisses d’activité proche des 80%. Ces organisations en plein développement ont en moyenne un horizon financier de 3 mois en cette période de crise**. La moitié d’entre elles pourrait bien disparaître dans les prochains mois, sans soutien concret.
Au-delà des pertes économiques, nous pourrions perdre la valeur inestimable qu’elles apportent pour la planète, la société, ainsi que le leadership mondial qu’elles procurent à la France, en matière d’innovation sociale et environnementale.
Un fonds d’urgence d’un milliard d’euros nécessaire pour soutenir les acteurs de la transition
A l’heure où chaque industrie s’agite en coulisse pour obtenir des soutiens particuliers, notre demande est claire. Avec de nombreux acteurs de l’écosystème, nous demandons la création d’un fonds de soutien d’urgence dédié d’un milliard d’euros, accompagné de mesures de sauvegarde pour le secteur de l’impact environnemental et social.
C’est un soutien de l’Etat que nous demandons car il n’est pas acceptable, face aux urgences écologiques et sociales, que l’économie de demain oeuvrant pour le bien commun doive se sauver toute seule quand l’économie d’hier sera, elle, sauvée par l’Etat, comme en attestent déjà les milliards d’euros qui semblent être débloqués sans conditions ni contreparties significatives.
Le scénario le plus probable qui se dessine est que l’on subventionne les grandes industries du monde d’hier, qui sont les mieux installées, les plus organisées, et qui ont les accès et les moyens de se faire entendre. Plus que jamais, les moyens sont comptés, et la seule question à se poser est celle du choix.
Nous nous réjouissons bien sûr de l’annonce du plan d’urgence de soutien dédié aux start-ups de la French Tech de près de 4 milliards d’euros et du PGE. Mais de quelles technologies parlons-nous ?
A l’heure où des soutiens massifs sont envisagés pour certains secteurs tels que l’industrie automobile, la publicité ou l’aéronautique, qu’en est-il des filières d’économie circulaire, de lutte contre le gaspillage alimentaire, d’énergie propre, d’inclusion, d’agriculture verte, de biodiversité, de mobilité bas carbone, de circuits-courts, etc ? Oui, quelles industries, quels secteurs souhaitons-nous soutenir pour notre avenir ?
Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres, apportez votre soutien à l’économie de l’impact comme vous l’avez fait pour la technologie. Quand nous sommes appelés à rester un challenger dans la technologie, la France a tout en revanche pour être le grand leader mondial de la transition écologiques et sociale… si et seulement si vous décidez de soutenir le secteur en ce temps de crise.
Oui, la France leader mondial de l’économie durable, tel est l’avenir qui est à notre portée. Ne renoncez pas à donner au pays de la Révolution et des Lumières, cette opportunité de rayonnement mondial. Autrement vous condamnez, en toute conscience, l’avenir dont a besoin notre pays et la planète.
Peut-on espérer changer le monde si ce sont toujours les mêmes que l’on sauve en premier ? L’avenir existe déjà. Ne le laissez pas mourir aujourd’hui.
*Source #NousSommesDemain **Enquête ChangeNOW – avril 2020
Cette tribune a été postée initialement le 28 avril 2020 sur franceinfo.fr
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