Hôpitaux : le diagnostic de l’intelligence artificielle
Nous avons décidé de republier cet article, déjà paru dans le n° 40 de Décisions Durables, en septembre 2019. Il décrit une situation des urgences qui ne correspond bien sûr plus au contexte actuel, mais présente des solutions qui pourraient être mises en place dans la période qui vient.
Alors que les visites aux urgences sont en hausse, les hôpitaux se tournent vers l’intelligence artificielle pour le tri des patients. Un simple questionnaire leur révèlera si oui ou non, ils ont besoin d’être vus par un médecin.
Par Amélie Drouet
Les patients se rendant aux urgences des hôpitaux universitaires de Birmingham (UHB) pourraient bientôt être accueillis par des écrans plutôt que des réceptionnistes. Ces établissements testent des services de téléconsultation et des logiciels de vérification des symptômes dans leurs services de soins ambulants et urgents. Leur espoir : réduire le nombre de visites.
Où avez-vous mal ?
Concrètement, les hôpitaux encourageront leurs potentiels visiteurs à remplir, en ligne, un questionnaire de deux minutes pour décrire leurs symptômes, avant de se rendre aux urgences. Ce triage par intelligence artificielle permettra de poser un premier diagnostic et d’aiguiller les patients :
– soit vers un médecin généraliste pour une auscultation,
– soit vers un pharmacien pour recevoir un traitement,
– soit vers une infirmière pour approfondir l’examen par téléphone,
– ou bien simplement les rassurer sur leur état de santé.
Les patients déjà sur place pourraient eux aussi être invités à répondre à ces questions afin d’accélérer le processus et de faire passer en priorité les urgences vitales.
Soulager les urgences
L’objectif est de désengorger les urgences, dont les visites augmentent de 3,4 % par an. Pourtant, environ 30 % des visiteurs ne nécessitent pas de diagnostics ou de soins complexes, selon UHB. Un système de vérification des symptômes pourrait ainsi réduire la pression exercée sur ces services. Les patients auront par ailleurs la possibilité de passer par la téléconsultation. Le directeur d’UHB, David Rosser, souligne que ce type de cabinets virtuels est déjà utilisé pour les personnes atteintes de maladies du foie. « Nous espérons faire passer 70 % de nos 2 millions de rendez-vous ambulatoires sur ce mode de fonctionnement digital d’ici deux ou trois ans. » À l’avenir, les malades chroniques pourront surveiller leur état de santé à l’aide de capteurs intégrés dans les montres connectées par exemple, et envoyer des données comme leur tension ou leur taux de glycémie directement au praticien, qui décidera d’une éventuelle consultation.
Un médecin sous la main
Outre la gestion des données privées, cette évolution soulève aussi la question d’une éventuelle privatisation des soins, puisque UHB entend s’associer à la société Babylon Health. Son service de consultations à distance, GP at hand (en français, un médecin sous la main), compte déjà 50 000 londoniens et vient d’être lancé à Birmingham. Parmi les patients lui ayant fait confiance, entre 85 et 90% n’ont pas eu besoin de rencontrer leur médecin en face à face, bien que Babylon dispose de cabinets physiques. Problème : lorsqu’un patient opte pour ce type de consultations, le système de santé publique britannique (NHS) ne verse plus de paiement annuel au cabinet de son médecin traitant.
Moins d’attente, plus d’efficacité Reste que l’intégration du digital et de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé est quasi inévitable. Pour David Rosser, « la manière d’accéder et de recevoir des soins à Birmingham sera méconnaissable d’ici 5 à 10 ans, et la technologie y jouera un rôle crucial. » En 2018 déjà, une étude menée par Ipsos Mori montrait que deux tiers des plus de 15 ans au Royaume-Uni étaient favorables à la vidéo consultation dans des cas de symptômes mineurs. À l’heure où le manque de personnel se fait pressant, la technologie promet de réallouer les ressources humaines et financières au plus urgent.
Amélie Drouet