L’Esprit Mutuel, selon Daniel Baal
Enfant, Daniel Baal rêvait de devenir champion cycliste. Homme de terrain et d’engagement, il a présidé la Fédération Française de Cyclisme pendant huit ans, en parallèle de son activité professionnelle au Crédit Mutuel. Président de Crédit Mutuel Alliance Fédérale depuis 2024, il s’est donné pour mission de servir autant les sociétaires et clients que la société, en soutenant la solidarité et l’environnement.
Propos recueillis par Réjane Éreau
Au Crédit Mutuel comme dans le cyclisme, vous avez commencé sur le terrain, pour finir à la tête. Comment définiriez-vous votre moteur ?
Dans les deux cas, j’ai très clairement été porté par la motivation et l’engagement. Et d’abord, avant tout, par l’engagement – la motivation vient ensuite. Dans le cyclisme, j’ai débuté comme coureur, puis je suis devenu dirigeant de club et dirigeant de ligue régionale. Ensuite, c’est un engrenage : président de fédération nationale, vice-président de fédération internationale… Si je me suis engagé à ce point, c’est bien sûr parce que j’adore le sport et le cyclisme, mais aussi parce que j’avais envie d’avoir une action publique, une action qui compte ; et d’œuvrer pour le bien de la collectivité. Au Crédit Mutuel aussi, j’ai commencé au bas de l’échelle, en tant que rédacteur crédit. Au début, je passais mes journées à dépouiller des bilans d’entreprises et à traiter des dossiers de crédit. Le Crédit Mutuel est une entreprise à part, où l’investissement des collaborateurs est récompensé. C’est ce qui m’a permis d’y exercer différentes fonctions : responsable des engagements, directeur de caisse, directeur général d’une fédération, directeur général du groupe… jusqu’à devenir président du groupe, lorsque Nicolas Théry a décidé de quitter ses fonctions et m’a proposé pour prendre son relais.
Quels ponts faites-vous entre votre parcours professionnel et votre action dans le monde du sport ? Comment l’un a-t-il nourri l’autre ?
Pendant longtemps, j’ai mené les deux parallèlement. Même lorsque j’étais investi à haut niveau national et international dans les organisations de cyclisme, je continuais à travailler au Crédit Mutuel. Mon engagement bénévole m’a été utile lorsque j’ai atteint de hauts niveaux de responsabilité au sein du Crédit Mutuel. La raison est simple : ce sont des corps sociaux avec un fonctionnement démocratique qui se ressemblent, composés à la fois de salariés et de bénévoles – comme le sont les administrateurs de nos caisses locales. Beaucoup de nos élus mutualistes ont d’autres engagements à côté, dans le monde associatif, sportif, culturel, caritatif. C’est un état d’esprit. Michel Lucas l’avait bien compris : lorsqu’il était directeur général du Crédit Mutuel, il m’a laissé m’investir dans le cyclisme en m’accordant un temps partiel à 80% pendant quatre ans. Il n’était a priori pas très favorable au principe, mais il a compris que cela pouvait porter ses fruits. Au fond, le Crédit Mutuel et l’engagement associatif partagent la même vocation : c’est la coopération des femmes et des hommes de bonne volonté sur le terrain, tous engagés pour soutenir les projets d’avenir de nos régions. Pour encourager ces volontés, il faut savoir créer du consensus. Cela m’a aussi donné des compétences en matière de relation avec les personnalités politiques, de rapport aux médias et de gestion de crise.
Vous dites également que votre engagement est né d’un certain « goût de l’autre »…
Lorsque j’étais enfant, j’aimais passer du temps avec mon grand-père, qui était très investi dans la vie locale. Il était conseiller municipal, il participait à tous les événements de son village. Cela a peut-être nourri mon sens de l’ouverture et de l’engagement. Ces valeurs sont en pleine cohérence avec le mouvement mutualiste.
Le Crédit Mutuel a fait le choix en 2020 de devenir entreprise à mission. Ce fut la première banque française à opter pour ce statut. Était-ce un choix courageux ou nécessaire ?
Ni l’un ni l’autre. Nous n’étions pas obligés de le faire, mais c’était pour nous un choix cohérent, par rapport à qui nous sommes et qui nous voulons être. Le Crédit Mutuel est une entreprise coopérative et mutualiste. Se déclarer pionnier et solidaire est une chose ; s’y engager concrètement en est une autre. Lorsque la loi PACTE a introduit en 2019 le statut d’entreprise à mission, Nicolas Théry et moi nous sommes dit naturellement que nous avions envie d’y aller. Cela nous intéressait, mais nous ne voulions pas que ce soit perçu comme une opération de communication. Ce devait être un acte fort, engageant. C’est pour cela que nous ne l’avons pas imposé au forceps à nos équipes et à nos élus mutualistes. Nous avons pris le temps de faire vivre le débat en interne, de laisser toutes les inter- rogations s’exprimer. C’est d’ailleurs peut-être parce que nous avons pris le temps de ces discussions que nous disposons aujourd’hui d’une forte adhésion de la part de nos collaborateurs. Le statut d’entreprise à mission fait consensus en interne, y compris lorsque cela revient à renoncer à des revenus pour être parfaitement en accord avec nos engagements.
Vous avez par exemple arrêté tout financement du charbon, ainsi que de tout projet d’exploration, de production ou d’infrastructure lié au pétrole et au gaz…
C’était une décision forte. Elle nous a obligés à réorienter certains de nos investissements, mais à long terme, elle renforce notre crédibilité, notre réputation et, par conséquent, notre capacité à générer des revenus d’une autre manière, grâce à l’image que le public et les milieux professionnels ont de nous. Devenir entreprise à mission nous donne clairement des obligations que nous n’avions pas avant, mais cela nous guide, aussi.
Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’engagement écologique et sociétal ne peut pas aller de pair avec la rentabilité économique ?
Aux sceptiques, il convient de rappeler qu’une entreprise à mission, comme toute entreprise, a d’abord pour priorité de travailler à la pérennité et à la rentabilité des services qu’elle offre à ses clients. Une entreprise ne peut être solidaire que si elle est performante. La rentabilité que nous avons perdue à court terme, en faisant certains choix, est un investissement à long terme, qui bénéficie à nos sept millions de sociétaires, à nos collaborateurs et à la société. Avec le directeur général Éric Petitgand, nous en sentons déjà les résultats en termes de ressources humaines : le Crédit Mutuel suscite l’intérêt de jeunes et de moins jeunes qui ont envie de s’investir à nos côtés.
Votre management privilégie le collectif sur l’individuel…
C’est un point clé. Nous n’avons pas attendu d’être entreprise à mission pour privilégier un management bien- veillant, qui privilégie la confiance et la délégation. Nous sommes convaincus que les encouragements collectifs sont plus productifs que les incitations individuelles. Nos conseillers ne sont pas commissionnés sur la vente de services ou de produits financiers. Nos dirigeants ont des rémunérations fixes, il n’y a pas de stocks options. Quand Nicolas Théry et moi avons élaboré notre plan stratégique « Ensemble Performant Solidaire », nous avions clairement le souhait de donner une impulsion forte pour soutenir la révolution environnementale et sociétale. Devenir entreprise à mission nous a permis d’inscrire nos engagements dans le marbre et de les soumettre à la vérification d’un organisme tiers indépendant.
L’un des principaux actes forts que vous avez posés est la création d’un dividende sociétal. Comment ça marche ?
En 2023, nous avons pris la décision d’affecter chaque année 15% de notre résultat net global annuel au soutien de projets environnementaux et solidaires. Notre résultat net actuel étant d’environ quatre milliards d’euros, cela représente en 2025 un budget de 600 millions d’euros. 50% à 60% de ce montant est investi dans des initiatives durables à impact, via notre fonds Révolution Environnementale et Solidaire. Par ce biais, nous nous engageons notamment auprès d’entreprises innovantes, pour faire émerger des solutions décarbonées. Par exemple, nous avons investi dans l’armateur havrais TOWT, pionnier du transport vélique. Nous avons aussi racheté une forêt dans le nord de l’Alsace, afin qu’elle soit gérée de manière totalement responsable, sans recherche de rendement, pour maintenir la biodiversité animale et végétale.
Où va le reste du dividende sociétal ?
La deuxième mission du dividende sociétal est de soutenir le développement d’offres de services solidaires pour nos clients. Par exemple, nous proposons gratuitement tous nos services de banque aux petites associations ; nous agissons contre les discriminations de santé en permettant à des personnes malades ou ayant été malades d’être assurées pour leur prêt immobilier, sans surprime, ni exclusion ; pour défendre l’égalité des chances, nous proposons des crédits à 0% pour que les étudiants n’aient pas à renoncer à leur projet faute de moyens financiers… Tout cela participe à un mouvement global.
Retrouvez l’intégralité de l’interview de Daniel Baal dans le numéro 63 de Décisions Durables.

